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Immersion dans le Japon traditionnel au village de Fukiya Furusato, dans la préfecture d’Okayama

Immersion dans le Japon traditionnel au village de Fukiya Furusato, dans la préfecture d’Okayama

Si vous souhaitez vous balader dans des ruelles traditionnelles japonaises soigneusement préservées sans avoir affaire aux foules de touristes que de tels endroits attirent souvent, vous ne pouvez pas passer à côté de cette petite ville de l’ouest de la préfecture d’Okayama, à 45 minutes de route du célèbre château de Bitchu Matsuyama. À son apogée, Fukiya était la plus grande ville minière de cuivre de l’ouest du Japon ; on y produisait tellement de cuivre que les habitants chantaient : « Il fait bon chercher de l’or à Fukiya. Plus vous creusez, plus vous trouvez de l’or. » Durant la seconde moitié de l’époque d’Edo, une nouvelle production se mit à prospérer dans la région, celle du bengara, un pigment rouge produit à partir de sulfure de fer, si bien que l’on se mit à connaître Fukiya avant tout pour sa production de bengara.

Le village de Fukiya Furusato : lieu de naissance du « rouge japonais »

Ce pigment rouge à base d’oxyde de fer était appelé « bengara » au Japon, car durant la période d’Edo, il était importé depuis la région du Bengale, en Inde, avant que Fukiya n’en devienne l’un des plus grands producteurs nationaux. Une histoire locale raconte qu’au début de son extraction, le sulfure de fer était considéré comme inutile et était donc jeté, jusqu’au jour où l’on aurait accidentellement découvert qu’il pouvait être transformé en oxyde de fer, et utilisé pour fabriquer le pigment rouge bengara.

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Le « rouge japonais » : de l’oxyde de fer au pigment bengara.

Dans les pays européens, la couleur de ce pigment rouge se fit connaître sous le nom de « rouge japonais » en raison de son utilisation sur les porcelaines de Kutani et d’Imari, qui y étaient importées en grande quantité au XVIIIe siècle. Fukiya fut désignée comme le lieu de naissance du rouge japonais, et l’on s’en rend très vite compte en se promenant dans la rue principale du village.

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La rue principale du village de Fukiya Furusato, reconnaissable au premier coup d’œil.

En parcourant la rue de Fukiya, on s’aperçoit tout de suite que les bâtiments, dotés de façades teintées au bengara et de carreaux de style Iwami, arborent tous un style similaire et un aspect uniforme. Les marchands qui vivaient là ont connu un tel succès grâce au commerce du bengara que l’argent coulait à flots, et ils décidèrent d’améliorer l’apparence de la ville et de l’uniformiser lors de la construction de leurs commerces et habitations. Il s’agissait d’une idée radicale pour l’époque, et l’on fit venir des artisans et carreleurs travaillant habituellement sur des temples et des sanctuaires pour concevoir ces bâtiments de luxe. Le rouge bengara fut, évidemment, employé pour teindre les façades, permettant à la fois de protéger le bois de la météo et des insectes, et d’uniformiser l’esthétique de la ville. En observant les constructions de près, vous remarquerez la présence de nombreuses décorations élaborées qui nécessitèrent un travail de précision.

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Le bureau de poste, iconique et encore en activité, avec ses façades teintées de rouge bengara.

À la différence de ce que l’on peut constater dans les quartiers historiques de plus grandes villes, les habitants de Fukiya ont résisté à la tentation de moderniser le moindre bâtiment de la rue principale du village, et ce, avant même le classement du quartier en 1977. Si l’on ajoute à cela l’absence de lignes électriques, on se retrouve dans une rue qui permet de nous projeter aisément dans le temps, et de s’imaginer à quoi ressemblait la ville quelques siècles plus tôt, animée par la présence des marchands et des ouvriers de la mine. Certaines résidences sont aujourd’hui ouvertes au public, et l’un des bâtiments les plus iconiques du village, le bureau de poste, est toujours en activité.

Que voir au village de Fukiya Furusato ?

L’ancienne résidence de la famille Katamaya

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L’ancienne résidence de la famille Katayama et son imposant entrepôt kura, sur la droite.

L’ancienne résidence de la famille Katayama fut construite à la fin du XVIIIe siècle. Devenue l’un des symboles de la ville, elle fut par la suite transformée en musée. C’est dans cette vaste construction comprenant le bâtiment principal (母家), une salle du trésor (宝蔵), un entrepôt de riz (米蔵) et un entrepôt de bengara (弁柄蔵), que vivait autrefois la famille Katayama, alors principale productrice de pigment bengara à Fukiya, et qui resta étroitement liée à sa production pendant plus de 200 ans. Le rez-de-chaussée du bâtiment principal était, à l’origine, la devanture de la boutique. Elle abrite à présent des antiquités et d’autres objets liés à leur commerce. J’ai tout particulièrement apprécié de pouvoir y découvrir des étiquettes et affiches autrefois utilisées pour promouvoir aussi bien les produits que la ville.

C’est à l’étage du bâtiment principal que vivait la famille. On y retrouve de grandes salles sur tatami, ornées d’œuvres d’art et de motifs finement sculptés pour orner le ranma, une traverse se trouvant au-dessus des portes coulissantes appelées shoji. On y trouve de nombreuses explications, mais seulement en japonais. Si vous le pouvez, lorsque vous explorerez les nombreuses pièces et bâtiments de la résidence, prenez le temps d’utiliser une application de traduction pour comprendre l’usage qui en était fait.

Le musée de l’usine de bengara

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Le sulfure de fer est chauffé, purifié, puis séché afin d’être transformé en pigment rouge bengara.

Lorsque la production du bengara était à son apogée, Fukiya comptait cinq ou six usines dédiées à sa fabrication. Mais au fur à mesure de la modernisation des techniques agricoles, on commença à fabriquer du bengara à partir de procédés chimiques. L’oxyde de fer rouge continua à être produit car il était utilisé dans l’industrie des engrais, mais la dernière usine — tenue par la famille Tamura — finit par fermer ses portes en 1974. Le musée de l’Usine de bengara se trouve à 5 minutes en voiture de l’entrée du village de Fukiya Furusato. Dans ce musée composé de plusieurs bâtiments, vous pourrez découvrir, à petite échelle, une reproduction fidèle du processus de fabrication du bengara à partir de l’équipement utilisé avant la fermeture de l’usine.

Le procédé est relativement simple — le sulfure de fer brut est chauffé, placé dans un réservoir d’eau pour éliminer les impuretés, séché au soleil, puis transformé en pigment rouge bengara qui prend la forme de poudre. Ce processus à présent désuet a été remplacé par une technique basée sur un traitement chimique. Mais de nos jours encore, la qualité du pigment bengara produit selon les techniques modernes ne donne pas une couleur tout à fait identique au bengara produit autrefois à Fukiya.

L’office du tourisme Fukiya Shimomachi Furatto

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Concevez vos propres créations en bengara à l’office de tourisme Fukiya Shimomachi Furatto.

En arrivant aux abords de la rue de Fukiya, vous apercevrez, sur la droite, l’office du tourisme Fukiya Shimomachi Furatto. C’est ici que vous pourrez vous essayer à la teinture bengara. L’artiste textile Kuniko Ogura (Instagram : kunikoogura) s’est installée dans la région il y a quelques années, et fut fascinée par la beauté de la teinture bengara. Elle crée des sacs cabas originaux, et vous aidera avec joie à personnaliser votre propre sac cabas, serviette tenugui ou t-shirt à partir du bengara.

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Une serviette tenugui teintée au bengara

Vous aurez la possibilité de vous servir de pochoirs pour réaliser votre teinture (il est également possible d’apporter votre propre pochoir), ou bien d’essayer des techniques traditionnelles (marbrure ou tie & dye, teinture par nouage) pour des résultats un peu plus aléatoires. Il existe toute une gamme de couleurs naturelles qui peuvent être produites à partir du bengara, notamment le vert, l’orange, le rose, le violet, le gris et le jaune, et vous pourrez vous en servir pendant l’atelier.

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Ougura-san vous aidera à concevoir votre création à partir de teinture bengara.

Durant l’atelier de teinture, nous avons raconté à Ougura-san à quel point les gens que nous avions rencontrés à Fukiya étaient attentionnés, et elle nous a dit : « C’est vrai, les habitants de Fukiya sont comme les Éthiopiens. Ils feront tout ce qu’ils peuvent pour vous aider. » … Les Éthiopiens ? On découvrit alors qu’Ogura-san s’était rendue en Éthiopie à six reprises, et qu’elle était tombée amoureuse du mode de vie des habitants de ce pays. « La façon dont les gens vivent là-bas m’a beaucoup touchée. Je l’ai ressenti au plus profond de mon âme. » Sa vision de la vie, vous pourrez la ressentir dans les grandes pièces de textile teinté qu’elle crée et qu’elle laisse sécher devant l’office du tourisme — des textiles d’un mélange apaisant de teintes discrètes aux motifs circulaires et symétriques —, qui lui demandent des heures de travail.

Quels sont les meilleurs souvenirs en bengara à rapporter chez vous ?

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Si vous n’avez pas envie de réaliser vos propres teintures, vous pourrez acheter un souvenir en bengara dans l’une des boutiques du village.

Si vous désirez rapporter un souvenir chez vous, nous vous recommandons de réaliser votre propre teinture avec Ogura-san. Mais vous trouverez également des boutiques à Fukiya, qui vendent toutes sortes d’articles qui feront plaisir à vos proches. Asada Hyakkaten propose tous les objets en bengara que vous pourriez imaginer, des vêtements aux sacs, en passant par des accessoires de mode, des marque-pages, ou du papier japonais washi.

Où séjourner dans le village de Fukiya Furusato ?

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La Guesthouse Eleven Village se trouve en plein cœur de Fukiya.

La grande majorité des touristes japonais qui se rendent à Fukiya n’y restent qu’une journée, par manque de temps et en raison de leur emploi du temps chargé. Mais si vous avez l’opportunité d’y séjourner, nous vous le recommandons vivement. Ce petit village paisible est très relaxant, et l’absence de pollution lumineuse permet d’observer les étoiles dans la nuit, quand vous vous reposerez après une journée de voyage.

À proximité de la rue principale, Guesthouse Eleven Village Fukiya est l’hébergement le plus grand et le plus confortable que vous pourrez trouver à Fukiya. Son aménagement intérieur, de style traditionnel japonais, s’accorde parfaitement avec l’ambiance du village. Au rez-de-chaussée, un vaste espace commun permet de rencontrer les autres clients, et de discuter autour d’un agréable feu de bois durant l’hiver. Les propriétaires font en sorte de réduire au maximum leur empreinte carbone, en utilisant des énergies renouvelables, en recyclant l’eau autant que possible, en en équipant leurs chambres de draps et de serviettes en fibres naturelles.

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La chambre traditionnelle en tatamis a beaucoup de succès auprès des voyageurs étrangers.

Si vous souhaitez rester quelques jours et en profiter pour travailler un peu, vous pourrez utiliser l’espace de coworking et la bibliothèque privée qui se trouvent dans le bâtiment adjacent. Les chambres sont spacieuses, et chacune est aménagée sur un thème différent. La chambre de style japonais avec futons et tatamis est de loin la plus populaire auprès des voyageurs étrangers. Les repas et boissons n’étant plus servis dans l’établissement pour le moment, vous pourrez essayer de préparer quelques plats japonais traditionnels, comme des onigiri ou de la soupe miso, dans la cuisine commune, équipée en casseroles et plats. Vous pourrez aussi vous servir des condiments biologiques mis à disposition (sucre, sel, vinaigre, sauce soja et miso). Vos plats japonais faits maison vous laisseront d’excellents souvenirs ! (Veuillez contacter directement l’établissement pour connaître les futures possibilités de restauration).

Conclusion :
Bien que petit, ce village paisible entouré par les montagnes de l’ouest de la préfecture d’Okayama a tant à offrir aux voyageurs qui se sont déjà rendus dans les villes modernes les plus touristiques du pays. En me promenant à Fukiya, il m’a semblé que les habitants étaient plutôt contents de garder leur village un peu secret, même s’ils sont fiers d’être les héritiers du « rouge japonais ». Si vous avez la chance de vous rendre à Fukiya, vous découvrirez un village à l’ambiance relaxante, dont la rue principale est demeurée intacte, et qui a su conserver toute son identité. Il se pourrait bien que cela devienne l’une de vos destinations préférées.

Photographs and text by Don Kennedy

DESTINATION LIÉE

Okayama

La région d’Okayama a prospéré comme une région aux éléments culturels variés, dont les sabres, les poteries de Bizen et d’autres pièces artisanales. Grâce à la clémence de son climat, des fruits, pêches et raisins muscat, sont activement cultivés ici. La région comprend aussi des endroits où vous pouvez découvrir les îles de la Mer intérieure de Seto.