Aventure & Experience

L'école des udon Nakano – Pour prendre le rythme des nouilles

L'école des udon Nakano – Pour prendre le rythme des nouilles

Soyons clairs : la cuisine n’a jamais été mon point fort, et suivre des recettes encore moins. Mais avec la promesse d’apprendre à faire des sanuki udon – ce délice de la préfecture de Kagawa – difficile de ne pas vouloir se prêter au jeu !

Après le pétrissage et le piétinement de la pâte, les élèves la coupe méticuleusement pour donner aux futures nouilles leur forme plate et rectangulaire caractéristique des sanuki udon.

Quasiment la fin du cours avec des udon fraîchement coupées !

Notre instructrice Ma-chan donnant un coup de main pour mettre les udon dans l'eau bouillante.

Produit fini – prêt à être slurpé !

Danser sur des udon : la pâte doit être franchement piétinée pour obtenir la bonne consistance.

Les sanuki udon ont été nommées après l’ancien nom de la préfecture de Kagawa, à savoir la province de Sanuki. Elles sont les nouilles les plus populaires de tout le Shikoku. Des centaines de restaurants de l’île campagnarde, la quatrième de l’archipel japonais, se sont spécialisés dans ce type de nouilles, parfois exclusivement. Ils sont facilement reconnaissables à l’inscription “Sa-nu-ki” quelque part sur la devanture – en hiragana : さぬき. Bien que les udon soient plutôt arrondies, tendres et épaisses, les sanuki sont rectangulaires, aux bords plats et de texture plus élastique.

À l’école des udon Nakano, je rencontre mon instructrice du jour dès l’entrée, et Ma-chan est d’un enthousiasme pétillant et contagieux ! Elle m’explique l’air de rien que l’école est ouverte depuis 103 ans. Ce qui me permet, si besoin était, de réaliser que je suis entre des mains expertes. Après l’appel, avec les autres étudiants d’un jour, nous nous dirigeons vers la classe. Lavage de main, cheveux attachés et tablier noué.

Appréhendant un tant soit peu ma capacité à suivre le cours dispensé en japonais, je suis immédiatement rassurée par Ma-chan qui me fait discrètement passer une notice en anglais. Felicity, mon amie australienne dans cette aventure, a droit au même traitement. « Vous êtes prêtes à passer un bon moment ? », s’enquiert finalement Ma-chan avec un large sourire. Absolument.

« Placez d’abord 500 grammes de farine dans le bol. » Les étudiants obéissent méticuleusement. Travaillant par binôme, nous devons ensuite rajouter de l’eau salée et la mélanger à la farine à la main. Une première étape qui s’appelle logiquement « le mélange ».

Vient ensuite « le pétrissage ». Plier, aplatir, plier, aplatir, inverser les rôles. J’ai l’impression que nous nous en sortons fièrement. Mais Ma-chan nous reprend vite : « Plus fort ! ». Nous reprenons de plus belle en vérifiant les instructions en anglais qui spécifient : « La pâte pétrie doit devenir dure comme un lobe d’oreille ». Puis quelque chose d’inattendu se produit. Une personne par binôme doit quitter le plan de travail pour se saisir d’un tambourin au fond de la salle ! Oui, un tambourin. Felicity suit le mouvement un brin étonnée.

Puis d’un coup, Ma-chan, du haut de son mètre-cinquante, ordonne à tout le monde de se lever. Jetant son poing dans les airs, elle entame un rythme appuyé grâce à son propre tambourin. « UN-deux-trois-quatre ; UN-deux-trois-quatre », encourage-t-elle tous les binômes à tambourins en traversant la classe. Puis un air très familier se fait entendre, depuis le lecteur CD du fond de la pièce ; la mélodie n’est autre que celle de la chanson coréenne la plus célèbre de l’histoire contemporaine – Gangnam Style. Chacun se regarde de biais, se demandant ce qui passe. Puis l’idée nous apparaît finalement clairement : il nous faut pétrir la pâte énergiquement en suivant les 4 temps dynamiques de Gangnam Style ! Un moment musical inédit pour nous encourager à mettre du cœur à l’ouvrage. Malheureusement, l’effet est à l’opposé pour moi, obligée de m’arrêter pour essuyer les larmes de fou rire qui m’assaillent… « Heeeey — sexy lady, OH OH OH OH, oppa Gangnam style ! » Ma-chan donne de la voie, se faisant entendre au milieu du brouhaha de 11 tambourins excités qui couvrent eux-mêmes la musique. Pour moi, elle sera définitivement « Ma-chan la rigolade ».

Puis vient rapidement l’étape inattendue suivante – « le roulement ». Apparemment, pétrir véhément la pâte sur la table en écoutant Psy n’est pas suffisant ! Non – il faut ensuite la piétiner vigoureusement ! Nous plaçons nos pâtons dans des sacs en plastique épais avant de les placer au sol sur des matelas durs. Puis quand YMCA des Village People se fait entendre, nous sautons dessus, appuyant fortement du talon de nos pieds déchaussés. « Y-M-C-A ! » – Ma-chan se fait à nouveau entendre, bien plus motivée que nous tous pour chanter. Notre instructrice danse sur des pâtons depuis des années, et n’a pas honte de le montrer !

Trois autres chansons accompagnées de sauts et de piétinements se succèdent avant que nous ne soyons finalement autorisés à retrouver nos plans de travail. Les pâtons aplatis sont sortis des sacs et mis au frigo après avoir repris la forme d’une boule. Ce qui nous permet de comprendre pourquoi l’effort était important : chaque classe travaille pour la suivante – ce qui permet de ne pas attendre deux heures que la pâte repose. Nous récupérons les pâtons pétris plus tôt par la classe précédente, et la suivante utilisera les nôtres – si amoureusement piétinés ! – après un temps au frigo.

Étape suivante avec les boules de pâtes reposées et rafraîchies – « l’enroulage ». Nous étalons notre pâton en l’étirant au rouleau à pâtisserie, de façon appuyée sur toute la longueur. Un virage à 90°, et on recommence. Ce qui permet finalement d’obtenir un beau carré de pâte, épais de 3 à 4 cm. Il faut ensuite le rouler entièrement autour du rouleau à pâtisserie, puis le déposer sur la table en le pliant, de façon à former un empilement de couches qui seront prêtes pour la dernière étape : « la coupe ».

Couteaux de cuisine en main, nous coupons de fines bandes de notre feuille de pâte repliée – de 3 à 4 millimètres de large. Quand l’ensemble est devenu une succession de nouilles plates, nous prenons une grande marmite d’eau bouillante pour les y plonger. Après 8 à 10 minutes à feu vif, nous rattrapons les nouilles flottant à la surface grâce à de longues baguettes. Une passoire nous permet enfin de les égoutter. La conclusion de ce cours divertissant et plein de bonne humeur, en plus d’être une bonne session de sport, est un repas composé des udon fraîchement préparées en classe. Nous avons apprécié notre déjeuner de sanuki udon maison version pot-au-feu de légumes, avec toute la garniture adaptée !

À l’occasion d’un voyage dans le Shikoku, n’hésitez pas à retrouver les bancs de l’école le temps d’un « cours de udon » ! Pas de répit pour les nouilles molles – il va falloir se bouger les fesses !

Texte de Celia Polkinghorne et photographies de Jason Haidar.

DESTINATION LIÉE

Kagawa

C’est une région avec de nombreuses îles, dont Naoshima et Teshima, célèbres en matière d’art. C’est également l’endroit où se trouve le superbe Jardin de Ritsurin. Kagawa est en outre connue pour ses nouilles Sanuki udon, si renommées qu’elles attirent des touristes de tout le Japon. Cette préfecture est même parfois surnommée « la préfecture udon ».